Le mois dernier, j’ai eu la chance d’animer avec mon association un atelier de retrogaming dans le cadre des festivités de notre ville. Notre mission, si nous l’acceptions : prouver qu’avec du logiciel libre et du matériel reconditionné, on pouvait s’éclater sur des consoles de jeux vidéos des années 80, 90 et 2000. Avec à l’honneur, les héros de notre enfance comme Mario, Sonic, Kirby et Alex Kidd … Ce type d’évènement est une première pour notre petite asso. Et je vous divulgâche direct, de l’avis général des participant.es, cette journée a été un franc succès.
Malgré une météo normande, notre stand n’a pas désempli. Et les jeunes ont répondu présent ! Un pari réussi qui m’a donné envie de partager avec vous ce petit compte rendu très subjectif.
Plantage du Décor
Un des facteurs déterminants pour réussir ce type d’atelier tient à la bonne préparation du matériel et de la logistique . Si au départ, j’ai eu quelques frayeurs notamment sur les forces en présences pour charger et décharger le matos, au final l’équipe a répondu à l’appel. PC, écrans, manettes, rallonges électriques , enceintes, supports de communication… le tout chargé dans ma « benzomobile ». Un bel exploit pour cette petite citadine, il ne manquait plus que la caravane 🙂
A notre arrivée, l mairie semble avoir bien organisé les choses. Nous découvrons notre barnum de « compèteuh », du mobilier bon marché et une installation électrique digne d’un camping 4 étoiles. Nous voici donc parti pour installer notre stand dans une ambiance conviviale, avec l’impression qu’à tout moment Patrick Chirac pouvait surgir pour nous offrir un verre : « Apéro? ».
Seule ombre au tableau : la météo avec son petit crachin so british. Mais loin de nous démotiver, nous positivons en nous disant que de toute façon, trop de soleil gênerait l’affichage sur les écrans. Au final, il a fier allure notre stand flanqué de nos 2 kakémonos aux couleurs de l’asso.
Les Consoles de jeu faites « Maison »
Pour celles et ceux qui souhaitent essayer chez eux, nous avons utilisé du logiciel libre : Batocera. C’est une distribution Linux spécialisée dans l’émulation de jeux rétro, permettant de transformer un PC en console de jeux vintage.Si vous voulez en savoir plus pour savoir comment créer votre propre pc de retrogaming, voici un lien vers mes tutoriels .
Voici donc nos 3 pc, 3 écrans de récup installés, les manettes mises en évidences sur la table. Nos consoles « faites maison » attirent rapidement l’attention des premiers visiteurs,visiteuses dont la curiosité est piquée au vif par les démos de super mario kart qui tournent en boucle sur les écrans.
Les meilleures choses dans la vie sont-elles gratuites ?
Première observation : c’est essentiellement un public jeune, de 5 à 12 ans qui s’arrrête sur notre stand. Les premières demandes sont timorées. Mais poussé par l’envie de jouer, le jeune gamer sait dépasser sa timidité.Il prend son élan et formule poliment sa requête pour pouvoir accéder au Graal.Jusqu’ici rien d’original si ce n’est peut être le démenti de certaines croyances contemporaines qui caricaturent la jeune génération comme de petits sauvageons dénués de tout savoir vivre. Et bien non ! Lorsqu’ils veulent quelque chose ils savent mettre les formes.Donc les parents, lâchez rien, rabâchez tout !
En revanche,en début de journée, j’ai du faire face à une question récurrente et surprenante à laquelle je ne m’attendais pas : « Monsieur, c’est gratuit pour jouer ? ». Avec un ton pince sans rire, je réponds du tac o tac que « non c’est 10 euros ». Pensant générer quelques protestations, j’obtiens au contraire des hochements de tête en guise d’approbation et des marmots prêts à taper dans le porte-monnaie de leurs parents. Surprenant non? Genre truc impossible qu’une « attraction » soit gratuite, dans ce monde capitaliste où tout ce qui attrait au loisir est payant. Il faut dire qu’à force de tout marchandiser dans notre société, nos enfants ont vite assimilé que tout a un prix. A fortiori lorsqu’il s’agit de se faire plaisir aux jeux vidéos.Nous avons donc été obligé de démentir assez vite et de confirmer et qu’ils pouvaient jouer gratos sur notre stand. A partir de là, les jeunes gamers se sont passés le mot et nous sommes vite devenus l’attraction numéro 1 du coin.
Autre observation , les filles demeurent minoritaires sur le stand.Bien qu’elles soient a priori tout aussi intéressées pour jouer, elles se mettent spontanément en retrait, en mode simple observatrice à regarder les petits gars s’égosiller sur leurs performances.Et si toutes les places sont occupées, elles hésitent souvent à demander à participer. Nous avons dû intervenir à plusieurs reprises pour leur faciliter l’accès.
Si en France, 48 % des joueurs de jeux vidéo sont des femmes (source), il semblerait que les comportements genrés dans le jeu vidéo ont encore la vie dure :-/
Le Choc des Générations
Au cours de la journée, j’ai pu observer quelques comportements significatifs :
Première constatation: nos jeunes visiteurs se dirigent naturellement vers les manettes « désignées » PS4, là où les parents eux se saisissent spontanément des manettes classiques des années 90. La disparition de la touche « Start » au profit de la touche « options » sur les manettes modernes a aussi créé quelques moments de confusion chez les mini-gamers, nous sollicitant régulièrement pour savoir comment faire pour valider ou changer d’écran. On a beau être « digital native », le moindre changement d’environnement peut renvoyer très vite à l’état de NéanderDigital.
Néanmoins, l’engouement pour le retrogaming ne se dément pas, malgré des graphismes et des cinématiques de jeux vidéos parfois datées voir kitchissimes.Je me rappelle encore les sessions où j’appuyais compulsivement sur la touche start pour zapper des animations trop lentes.
En tout cas, le plaisir de jouer est toujours là quelque soit la génération. Certains papa et mamans sont ravis de faire découvrir les titres de leur enfance. Un lien se crée, l’espace d’un moment. Grands et petits s’amusent sur le même plan. Pour ça, le retrogaming c’est vraiment magique !
Côté parents : entre plaisir partagé, nostalgie et inquiétude
Si les enfants s’éclatent sans souci sur Aladdin ou Mario Kart, certains parents, eux, sont plus réservés,exprimant leurs inquiétudes sur la dépendance aux écrans de leurs enfants.L’occasion de débattre avec eux donc des enjeux du numérique dans l’éducation et plus globalement de notre rapport à la technologie.
Sous des aspects plus concrets , les parents en viennent assez vite à parler de ce qu’ils vivent au quotidien. Ils évoquent volontiers leurs stratégies mises en place à la maison pour contrer l’addiction de leurs bambins : solutions de contrôle parental, créneaux dédiés aux jeux vidéos, appareils récupérés le soir, le « zero screen » dans la chambre…Certains préfèrent opter pour la confiance et le dialogue. Car si les solutions techniques de censure existent, elles sont facilement contournables. Les enfants n’hésitant pas à se partager leurs « tips » entre eux pour transgresser les règles 🙂
Les adultes avouent aussi qu’en prêchant le « moins d’écran », ils doivent aussi montrer l’exemple. C’est vrai que nous sommes rapidement mis en face de nos responsabilités et de notre propre dépendance. Celle des smartphones étant la plus flagrante pour les quelques personnes avec qui j’ai échangé qui ont bien conscience que les réseaux sociaux et les jeux occupent une trop grande part de leur temps.Ils doivent donc eux même se débattre avec leur propre asservissement aux écrans. La solution n’est pas à la culpabilisation mais on sait qu’en matière d’éducation , l’exemplarité est essentielle pour renforcer l’efficacité du discours. Les paroles c’est bien, les actes c’est mieux.
Enfin, nos débats se sont poursuivis sur l’importance de l’éducation au numérique à l’école et le manque de moyens et de formations des enseignants qui dans certains établissements, se trouvent parfois démunis face à l’introduction des écrans dans leurs cours.
Bref des échanges riches qui prouvent bien que l’impact des technologies sur notre société questionne nos usages, notre parentalité, notre vie privée, notre rapport au monde… Bien sûr à chaque fois que nous l’avons pu , nous avons promu le logiciel libre comme étant une option plus éthique pour améliorer nos pratiques numériques, protéger notre vie privée, renforcer notre sécurité, et favoriser l’émancipation de toutes et tous.
De l’utilité Sociale du Retrogaming
Pour notre association, cet atelier a été un excellent moyen de nous rendre visibles et de susciter la curiosité. Cette journée intense et riche en échanges a révélé une fois de plus l’utilité sociale et écologique du retrogaming et du logiciel libre.
POur résumer, le retrogaming, c’est bon pour :
- La planète : en réutilisant du vieux matériel, on prolonge sa vie et on évite de le jeter;
- La santé : jouer détend et amuse ;
- La société : créer du lien entre générations.A travers l’histoire du jeu vidéo, permet de faire vivre un patrimoine immatériel.
Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à l’aventure et à très bientôt sur notre stand du forum des assos à la rentrée par exemple 🙂
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